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Comment bien se préparer pour son voyage humanitaire ?

Un grand nombre d’étudiants souhaite participer à un voyage humanitaire. En effet, en plus de développer notre fibre altruiste, les voyages humanitaires permettent de valoriser un CV, souvent vides d’expériences à nos âges. Néanmoins, de nombreuses dérives coexistent avec ce type de missions, souvent qualifié de « tourisme humanitaire ».

Rien que pour vous, qui avez toujours rêvé de faire un voyage humanitaire, Unicef-Assas vous offre un guide, élaboré avec une habituée des missions humanitaires : Anne-Charlotte Douard, ancienne étudiante en droit d’Assas et actuellement en 3ème année de Sciences Politiques à l’Université d’Edimbourg, en Ecosse.

Question d’Unicef-Assas (Q) : Bonjour, Anne-Charlotte ! Merci encore d’avoir accepté de répondre à nos questions, et donc de nous aider à guider les étudiants souhaitant faire un tel voyage. Peux-tu nous expliquer pourquoi tu as voulu faire des voyages humanitaires ?

Réponse d’Anne-Charlotte (R) : Bonjour ! Actuellement, j’ai effectué deux voyages humanitaires différents, pour des raisons différentes à chaque fois.

Mon premier voyage était en Ouganda. N’ayant jamais connu de telle expérience, je voulais répondre à deux questions : est-ce que le travail humanitaire m’intéressait ? Et est-ce que travailler sur le continent africain m’intéressait ?

Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, vu que l’ONG m’a amené à travailler en milieu carcéral (African Prisons Project). Et ça a été une expérience extrêmement enrichissante. J’ai pu découvrir une culture qui m’était globalement inconnue. De plus, l’action de l’ONG été essentiellement portée sur le domaine de la santé dans les prisons. Or, mes études n’étant pas portées sur ce sujet, je me suis familiarisée avec la santé publique, et je peux même dire que c’est un domaine qui m’intéresse particulièrement aujourd’hui.

Mon second voyage était à Lesbos, dans un camp de réfugiés. Cette fois-ci, j’ai travaillé avec une ONG plus importante et reconnue (Boat Refugee Foundation). Forte de mon expérience passée, j’étais moins perdue, d’autant plus que ce voyage était davantage en lien avec mes études, portant sur la Science Politique au Moyen-Orient.

Pour ce voyage, mes motivations étaient différentes. La crise des réfugiés est une cause qui m’importe vraiment : j’avais l’impression d’être plus utile qu’en Ouganda. En effet, comme je l’ai dit, mes études sont intimement liées à cet enjeu. Je pense d’ailleurs que c’est important de trouver un voyage où nos connaissances académiques peuvent être utilisées. Même s’il ne faut pas se limiter dans ses choix, si on arrive sans pouvoir aider en quoique ce soit, on peut faire plus de mal qu’autre chose…

(Q) : Tu nous as parlé de tes motivations. Cependant, est-ce que tu peux nous livrer tes conseils pour trouver un voyage humanitaire ?

(R) : Pour ma mission en Ouganda, je suis passée par une plate-forme de mon université qui propose des offres de voyages humanitaires. Je pense que c’est un bon filtre pour être sûr de ne pas se tromper (NDLR : Contrairement à l’Université d’Edimbourg, Assas ne propose pas une plateforme équivalente).

Mais, je ne me suis pas jetée sur l’occasion sans vérifier. Vu que l’ONG était très peu connue et de petite taille, je ne voulais pas être victime d’une arnaque. Mon premier réflexe, comme à chaque fois d’ailleurs, est de vérifier si l’organisation est reconnue par l’Union Européenne, grâce à un système de registre qui répertorie les ONG humanitaires. De plus, toujours pour vérifier le sérieux de l’organisation, je regarde leur activité sur les réseaux sociaux ainsi que la « qualité » de leur site internet : c’est souvent très révélateur ! Pour le cas particulier de cette ONG, elle avait un partenariat avec une association de mon université, donc j’étais rassurée.

La dernière question à se poser, et qui n’est pas des moindres, et celle du financement. J’ai de la chance d’être dans une fac qui soutient énormément ce genre d’initiative, notamment avec des bourses. Sauf qu’elle m’a été refusée... Donc, j’ai demandé à mes parents qui ont accepté de m’aider.

Pour Lesbos, c’était avant tout du bouche à oreille : plusieurs de mes amis avaient évoquer cette ONG. Par curiosité, j’ai fait de recherches dessus sur Internet, et je suis tombée sur une multitude d’articles la citant, notamment un provenant du Guardian. En plus, certains rapports, d’ONG diverses ou même de l’ONU, y faisaient référence. Bref, que des feux verts pour choisir cette organisation !

J’en profite pour répéter qu’il ne faut pas s’autocensurer. En effet, un des avantages de cette association était qu’on ne payait pas pour participer. Néanmoins, il ne recrutait, en principe, que des professionnels (médecins, traducteurs, etc.). J’ai tout de même essayé, et j’ai été prise alors que je n’avais ni les compétences ni l’âge minimum requis. Ils m’ont accepté car j’avais fait une lettre de motivation béton, et j’avais prouvé que j’étais capable de mettre en pratique mes connaissances universitaires.

Pour le financement, l’université m’avait encore refusé la bourse. Néanmoins, je n’avais qu’à payer mon logement et mon voyage en Grèce, ce qui était beaucoup plus abordable que l’Ouganda.

(Q) Très bien ! Quelque part, c’est bien que tu n’aies pas réussi à avoir de financement de ton université, puisqu’Assas n’en propose pas du tout ! Tu as donc pu démontrer qu’il était possible de partir, sans aide extérieure particulière. Est-ce que tu peux maintenant nous dire comment vivre pleinement son voyage si on arrive à l’organiser ?

(R) : Je pense qu’il y a plusieurs points à distinguer : comment se loger, puis comment vivre concrètement l’expérience sur place ?

La question du logement est cruciale, notamment quand on s’engage dans un pays hors de l’Union Européenne. On a généralement deux choix : soit on s’organise comme si on partait en vacances, avec Airbnb par exemple, soit l’ONG fournit un logement payant.

Pour l’Ouganda, j’ai opté pour un Airbnb. Au début, je voulais faire du couchsurfing, mais je me suis dit que ça pouvait être moyennement pratique, voire même dangereux. Quand j’ai choisi le lieu, j’ai eu la chance de tomber sur un propriétaire d’origine européenne : j’étais assurée de la qualité des lieux, d’avoir un accès à Internet. Enfin bref, d’avoir un minimum de confort : chose que certaines personnes négligent et finissent souvent par regretter.

Pour Lesbos, l’ONG proposait un logement payant, donc pas de difficulté particulière.

Ensuite, je pense qu’il faut réellement être préparé psychologiquement au voyage.

Tout d’abord, il faut vraiment se renseigner sur le pays où on va. Cela passe par des connaissances sur l’histoire du pays, afin de pouvoir plus facilement échanger avec les locaux et surtout éviter de les vexer. C’est assez logique : la plupart des mœurs découlent de l’histoire du pays. Et justement, avoir une bonne connaissance de l’histoire permet de savoir quelles questions sensibles il faut éviter. Bien évidemment, on doit coupler ça avec des recherches sur la culture même, sur la société, sur le coût de la vie etc.

Après, il faut se renseigner sur le lieu où on va travailler, sur le fonctionnement de l’ONG qu’on rejoint. A chaque fois, je contactais plusieurs fois mes superviseurs par mail avant d’arriver pour savoir à quoi m’attendre.

Enfin, bien évidemment, il faut connaître ce que j’appelle les « prérequis » pour entrer dans le pays : visa, vaccins à faire, alimentation à adopter etc.

Je pense que trop de personnes bâcle ce genre de recherches, et peuvent parfois se retrouver dans des situations délicates, voire dangereuses quant à la santé.

(Q) Mais si tu es bien préparé, comment faire pour être le plus efficace une fois sur place, surtout quand on part pour de longues périodes ?

(R) : Bon, je vais dire une évidence, mais il me semble important de le rappeler : on y va pour aider les gens. D’où l’importance de bien se renseigner sur le fonctionnement de l’ONG et sur la mission précise que vous allez remplir une fois sur place. Après, je ne peux pas vraiment en dire plus, tout dépend réellement de ce pourquoi on s’engage.

Pour bien aider les personnes sur place, notamment les enfants, je pense que c’est indispensable de s’armer de quelques principes de base en psychologie. Souvent, on vient en aide à des personnes qui sont rejetées par la société, et qui sont à la recherche de marques d’affection. Il ne faut vraiment pas s’attendrir : même si ça peut leur faire du bien sur le moment, faire preuve de trop d’affection envers eux (par exemple, faire des câlins aux enfants) va finir par leur faire du mal.

Quand vous partez, vous y aller pour aider des personnes, pas pour y faire du « tourisme humanitaire ». Vos actions sont lourdes de conséquences. Vous devez vraiment vous préparer. Aider des personnes dans le besoin n’est ni une chose innée, ni un loisir.

Néanmoins, je veux insister sur une autre chose. Juste avant, j’ai dit que j’étais contente d’être tombée sur un propriétaire européen pour le Airbnb car j’allais être assurée d’un minimum de confort.

Trop de personnes, sous prétexte qu’elles veulent vivre une expérience forte, proches des personnes qu’elles aident, oublient de prendre soin d’elle-même. Or, vous ne pouvez pas être efficace si vous n’êtes pas à 100% de votre forme. Il ne faut surtout pas culpabiliser de prendre du temps pour se reposer, par exemple, de demander un week-end entier de repos. C’est vraiment important de se ressourcer.

Je pense aussi que l’accès à Internet est indispensable : on traverse des choses difficiles au quotidien, on se retrouve face à des situations inconnues et on est dans un lieu sans nos repères. Pouvoir parler à sa famille et à ses amis grâce à Internet, c’est un réconfort sans pareil.

(Q) : Merci beaucoup pour toutes tes réponses, Anne-Charlotte ! Je pense que ton témoignage peut énormément aider certains étudiants.

Est-ce que tu aurais un dernier mot pour ceux qui veulent s’engager après avoir lu cet article ?

(R) : Mon message va être nuancé. Il ne FAUT PAS faire un voyage humanitaire : il ne faut se sentir obligé d’en faire un. On doit avoir envie d’en faire un. Ce qui est important à mon sens, c’est d’avoir une cause qui vous importe réellement pour vous aider à faire face aux divers inconvénients (budget etc.). On n’est pas en vacances, on est là pour aider des humains. Nos actions ont des conséquences non négligeables.

Pour ceux qui sont vraiment motivés, le faire maintenant, c’est bien : cela apporte une grande ouverture d’esprit. Certains voyages nous préservent : on est dans un cocon, on « paie pour faire une bonne action ». C’est du tourisme humanitaire, je trouve cela déplacé, je le dénonce.

Si tout est bien fait, on peut découvrir des vocations, comme moi avec la santé publique.

Ca peut nous permettre de mettre en perspective nos compétences, de les ouvrir à des vocations moins conventionnelles.

Les ONG sont très demandeuses de personne spécialisée en droit. Cela peut être, à mon avis, très enrichissant de s’engager en tant que bénévole juridique.

Les ONG sont très différentes les unes des autres, notamment selon les tailles. Souvent, on a une vision idyllique des ONG. Or, ce n’est pas toujours beau d’y travailler. J’y ai vu des choses que je n’appréciais pas, telle que la lenteur des projets par manque de moyens. Et parfois, quand les ONG ont les moyens, ce sont les coordinateurs qui peuvent poser problème …

Souvent, les salariés des ONG sont fatigués, car c’est un travail particulièrement difficile. En étant étudiant, on apporte une fraîcheur aux organisations. Il faut savoir donner de nous, pour parfois apporter un second souffle aux missions humanitaires.

Nathan Sharma, membre UNICEF Assas.