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Notre rencontre à l’Élysée : quand les
enfants prennent le pouvoir

La journée internationale des droits de l’enfant

Avant même de vous raconter cette aventure, j’aimerai porter votre attention sur une partie du titre : « Notre ».

Le choix de ce mot n’est pas anodin. Tout d’abord, parce que je vais m’efforcer de vous relater cette expérience du mieux que je peux, de vous faire vivre cette rencontre. De plus, cette journée, je l’ai faite en tant que membre Unicef-Assas : j’étais certes le seul physiquement présent. Néanmoins, tout cela n’a été possible que grâce à une chose : l’investissement de toute l’association, et cela depuis plusieurs années. J’en profite alors pour les remercier, tous.

Mais surtout, le « notre » excède bien plus que le cadre de notre bien aimée université. Ce « notre », c’est l’ensemble des enfants dont j’ai eu l’honneur de porter la voix. L’honneur de représenter. L’honneur d’incarner.

L’aventure a, en réalité, commencé bien avant le 20 novembre. Bien avant novembre. Bien avant la fin des vacances. C’est lors de ma rencontre avec Alizée, chargée de Projets Plaidoyer Unicef France, que tout a débuté. C’était durant la Fête de l’Huma. Elle m’avait confié qu’un très gros projet se préparait pour la journée du 20 novembre. Cependant, ce n’est que fin octobre qu’une autre employée d’Unicef, Florianne, me propose de participer à ce projet. Deux semaines plus tard, je reçois l’appel: je suis sélectionné.
Je profite de cet article pour saluer le travail qui a été fait « dans l’ombre », pour emprunter les mots de ma chère camarade, Alice, elle aussi sélectionnée en tant qu’Unicef Campus. Sans toute cette équipe, dont je ne me risquerais pas de faire un listing dans la peur d’oublier des noms, rien n’aurait pu être fait. Merci à vous.


La 1ère rencontre avec les enfants franciliens s’organise le 15 novembre. Après avoir dévoré toutes les pièces jointes 15 minutes avant mon départ pour le Comité de Paris, je découvre une petite dizaine d’enfants, légèrement intimidés par l’épopée qu’ils s’apprêtent de vivre. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que j’étais aussi intimidé qu’eux. Je ne savais pas réellement pourquoi j’avais été pris, moi et pas un autre. Je ne savais pas si j’allais être à la hauteur. Du haut de mes 22 ans, je retombais dans la timidité de mon enfance.
Les jours passent, et entre deux révisions pour mon interrogation de Droit civil, j’épluche des chiffres, je me renseigne sur les différentes thématiques et je m’entraîne à être un bon héraut de l’Unicef.

L’ensemble de la délégation pour l’enfance se réunit le 19 novembre, afin d’attaquer le gros des préparatifs. Des jeunes venant de toute la France se rajoute au petit groupe du mercredi. Très rapidement, des affinités se créent, des complicités naissent et les plus réservés se dévoilent au grand jour.

On enchaîne sur des entraînements à la communication aux médias et d’éloquence. On forme des Think Tanks sur les problématiques auxquels les enfants, de la France comme du monde, sont confrontés. Peu à peu, leurs idées innocentes deviennent des propositions réfléchies. À force de travail, des solutions cohérentes sont trouvées.

En fin d’après-midi, les « grands » se réunissent. On forme les duos les plus efficaces pour défendre la lutte contre le harcèlement, contre la discrimination, contre la pauvreté et les inégalités ou encore pour une meilleure éducation.

Après ce long dimanche, les jeunes rentrent tandis que leurs textes sont retravaillés. Juste avant mon départ, on me propose de participer à l’émission Debout la France sur Europe 1, animé par Daphné Burki, afin de témoigner de mon action avec l’Unicef.

Vient enfin le D-Day ! De mon côté, la pression monte. Je ne voulais pas trahir mon expérience avec d’ambassadeur à la radio. Finalement, tout va bien. Accompagné par la jeune Margaux, Jeune Ambassadrice Unicef âgée de 12 ans, nous expliquons la portée de notre engagement, et le message que nous allons délivrée à Madame Macron ainsi qu’au Président de la République.

A l’image du théâtre, un filage est organisé pour préparer les enfants à leur tout premier conseil des ministres. A l’image des acteurs, on est tous angoissé.

14h30, nous sommes tous devant le palais de l’Elysée. Tout le monde commence à s’impatienter. Quelques journalistes parviennent à nous intercepter pour nous poser des questions. La sécurité nous appelle. Comme à l’aéroport, on vide nos poches et on franchit des portiques. Et enfin, ça y est : nous y sommes. Nos petits héros expriment, dans une candeur qui leur est propre, la pensée de tous à voix haute. « C’est comme à la télé ! ». Oui, c’est vrai. C’est comme à la télé… Une escouade de caméra nous attendait déjà, au fond à gauche de la cour. Avec Alice, on essaie de canaliser l’excitation, les cris, ceux qui veulent courir vers l’entrée. J’ai eu l’impression que ce moment a duré 30 minutes, alors que seulement 5 s’étaient écoulées. 5 petites minutes avant Brigitte Macron nous accueille dans la « Maison des Français ».

Avant d’entamer le récit de l’Elysée, je tiens à préciser une chose auprès des lecteurs : je ne cherche pas à être exhaustif. Je ne cherche pas à être le plus neutre possible. Tout cela pour plusieurs raisons. D’abord, parce que je ne suis pas un journaliste : je n’ai aucune expertise à vous fournir et prétendre le contraire serait bien prétentieux de ma part. Ensuite, je vous parle de mon ressenti sur cette journée internationale des droits de l’enfant, comment je l’ai vécu en tant qu’ambassadeur Campus. Enfin, je pense que vous faire une liste complète de tout ce qui s’est passé nous ferait tomber dans du Flaubert : autant vous épargner un mauvais jumeau de la casquette de Charles Bovary. Si vous souhaitez tout savoir dans les moindres détails, je vous redirige vers les différents live Facebook.

La réaction de tous est instantanée, voire violente. Kaoutar, qui paraissait pourtant si sûre d’elle, fond en larmes. On est déconcerté. On ne sait plus où se mettre. A aucun moment lors de la préparation nous avions imaginé ce scénario, pourtant si évident.

Notre hôte nous fait visiter les lieux. Les salles et jardins sont magnifiques et pleins d’histoires. Nous apprenons des anecdotes, comme le fait que le Président aime avoir deux bureaux différents. Cependant, pour Alice et moi, la tension n’est pas relâchée. On devait surveiller les enfants pour éviter qu’ils se perdent. Nos regards sont portés sur les mains maladroites de certains. Toutefois, notre véritable crainte, c’est le débat qui arrivait juste après.

Tandis que les enfants se jettent sur le goûter offert par l’Elysée, on parle avec les adultes. On essaie d’en savoir plus sur eux : nom, rôle dans le Gouvernement, thématiques qu’ils souhaitent aborder etc. Finalement, le débat est ouvert. On oriente les sujets, donne la parole aux plus timides, épaules ceux qui oublient leur texte. Maintenant que c’est fini, je peux vous assurer que je n’oublierai pas ce débat.

Le débat était principalement accès sur l’accès à l’éducation et aux inégalités qui le frappe, notamment entre les garçons et les filles. Le sujet n’est pas un hasard puisqu’il est un l’un des combats de Brigitte Macron pour ces cinq prochaines années. Si je vous dis que je n’oublierai pas ce débat, ce n’est pas pour sa technicité. Madame Macron avait parfaitement conscience qu’elle s’adressait à des enfants, qui n’étaient pas des experts et surtout, qui n’avaient pas encore un vocabulaire riche. Je n’oublierai pas ce débat car elle a réussi à faire une chose : nous convaincre qu’elle voulait résoudre ces problèmes. Et, convaincre son contradicteur, n’est-ce pas la plus belle des réponses ?

Ne vous méprenez pas : elle n’a pas joué à la Mère Noël qui promet tout, bien au contraire. Elle a simplement raconté son expérience en tant que professeure et expliqué en quoi elle pouvait partager ou non nos inquiétudes. Surtout, elle nous a expliqué sa réalité, une réalité qu’on a tendance à oublier. Par exemple, une de nos propositions portait sur une école plus proche du monde du travail, en proposant davantage de stages (un pour chaque année de lycée). Bien qu’elle comprenne nos intentions pour résoudre cette divergence entre le monde éducatif et celui de l’entreprise, elle nous a indiqué les obligations tenant aux professeurs et les quelques frayeurs des entreprises d’engager davantage de stagiaires non qualifiés.

La discussion close, on nous appelle pour rejoindre le Président à l’étage, durant une de ses réunions avec le Défenseur des droits et la Défenseure des enfants. Avec un ton des plus naturels, Medhi interpelle le chef de l’Etat pour le convier au Conseil des Ministres. Avant de descendre avec nous, Emmanuel Macron nous présente le célèbre bureau présidentiel. Une fois de plus, l’émotion est grande. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est l’accessibilité dont fait preuve cet homme. Alors, ce n’est peut être que dans ma tête, mais je me suis toujours dit qu’un Président avait quelque chose d’inatteignable. Et il était là, à nous parler avec une grande considération. Il donnait réellement la sensation que nous n’étions pas que des enfants à ses yeux. Nous étions des citoyens qui venaient lui parler de problèmes sérieux.

Pour le Conseil, je ne vais pas vous détailler la moindre de nos propositions. Nous avons défendu une égalité pour tous les enfants, en France comme dans le monde, que cela soit dans le domaine de l’éducation ou de la santé. Nous avons proposé des projets pour lutter contre les violences faites aux enfants, en attaquant le harcèlement, la discrimination et la maltraitance en particulier. Mais ce n’est pas ça que je veux partager. Non pas que ce n’est pas important. Mais parce que ce n’est pas ce qui m’a le plus marqué.

Voyez-vous, au début, je vous parlais de la timidité qui nous habitait tous dans ce groupe. Je vous ai raconté le travail fourni par chacun pour concrétiser cette idée si vague de septembre dernier. Et bien, voyez-vous, ce que je retiens de ce Conseil, c’est l’Unité. Alors que chacun des duos prenaient la parole pour présenter des heures et des heures de travail aux différents « adultes » de la table, j’ai commencé à me perdre dans mes pensées. Je me demande encore comment nous avons fait. Comment avons-nous fait pour devenir si uni en si peu de temps ? Comment avons-nous fait pour nous accorder à l’unisson afin de porter la voix des plus faibles ?

Pour moi, c’est sa notre véritable victoire du 20 novembre. En quelques sortes, les propositions n’étaient presque que du bonus. Cette victoire, c’est d’avoir transmis à un groupe d’enfants et d’adolescents la flamme de notre engagement. Cette flamme qui nous animé, Alice et moi pour cette journée. Cette flamme qui anime tous les ambassadeurs Unicef. Cette flamme qui nous fait dire qu’un jour, tout ira bien.

Alors, merci à vous. Merci à Yanis, Thdijane, Margaux, Anouk, Sofia, Matthéo, Nouane, Arthur, Medhi, Baptiste, Horace, Kaoutar, Marion, Hranouch et Maelle. Merci d’avoir été nos héros du 20 novembre.

Nathan Sharma.